Mon clin d'œil

Julie Payette est la nouvelle gouverneure générale. Elle n’a jamais eu peur du vide.

OPINION MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES

Bien économiser, c’est voir à long terme

La perspective d’appels d’offres pour l’achat de médicaments génériques proposée par le ministre de la Santé et des Services sociaux peut paraître bien séduisante.

Mais d’un point de vue économique, des règles du marché, voire de la qualité des services de santé, cette baisse appréhendée des coûts des médicaments cache des risques qui méritent d’être connus et qui doivent peser dans la balance au moment de la prise de décision.

Même s’il s’agit du secteur de la santé, les fabricants de médicaments génériques opèrent dans un marché concurrentiel ouvert, composé d’entreprises québécoises, canadiennes et internationales.

Celles-ci doivent se distinguer par des produits et des services de qualité et par le développement d’innovations qui leur permettent d’assurer un meilleur rendement. Du point de vue des acheteurs, un tel marché offre le choix de faire appel à ceux qui offrent les meilleurs produits et le meilleur service à la clientèle, et ce, au meilleur rapport qualité-prix.

Une industrie d’importance

L’industrie du médicament générique est importante pour le Québec. Selon une étude publiée l’an dernier, elle génère des retombées économiques directes et indirectes de 843 millions par an et représente plus de 4000 emplois directs de qualité. À cela, il faut ajouter près de 150 millions en investissements au cours des cinq dernières années. Les entreprises québécoises de ce secteur prennent environ 35 % des parts de marché des médicaments génériques au Québec et contribuent positivement à notre balance commerciale, puisque les deux tiers de leur chiffre d’affaires sont réalisés à l’extérieur.

C’est donc un secteur dont on doit se soucier.

Or, le recours aux appels d’offres généralisé dans un secteur manufacturier, comme celui des médicaments génériques, créerait de l’incertitude et de l’imprévisibilité au point où c’est l’ensemble du secteur qui risque la paralysie.

Certes, à court terme, le ministre pourrait prétendre avoir obtenu de meilleurs prix et avoir fait baisser les coûts du système. On pourrait même croire que les fabricants de médicaments qui remporteraient l’appel d’offres feraient une bonne affaire. Toutefois, pendant ce temps, leurs concurrents se retireront de ce segment de marché, ce qui pourrait entraîner une hausse des prix lors du renouvellement du contrat, car moins d’acteurs seront au rendez-vous.

En parallèle, c’est l’ensemble des fabricants qui reverra ses pratiques de développement de nouveaux produits et se demandera s’il vaut la peine d’investir et d’innover dans ce marché devenu instable et imprévisible.

Pour le système de santé, il y a donc un risque réel de se retrouver, dans quelques années, avec des médicaments existants dont les prix remonteront et de devoir gérer des pénuries complexes. Tout cela sans pouvoir profiter des économies générées par l’arrivée rapide de nouveaux produits génériques beaucoup moins chers que leur équivalent de marque.

Pour l’économie québécoise, c’est aussi le risque de perdre des investissements en recherche et développement de la part d’entreprises manufacturières innovantes installées ici.

Le secteur des sciences de la vie a pourtant été identifié par le gouvernement du Québec comme l’un des secteurs porteurs de croissance et d’avenir.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous croyons qu’il faut renoncer à lancer des appels d’offres pour plutôt adopter une vision globale et à long terme qui permettra une solution concertée avec l’industrie. Il s’agit de la meilleure façon d’obtenir des économies durables tout en assurant une prévisibilité et une stabilité propices au développement du secteur clé des sciences de la vie pour la vitalité économique du Québec à long terme.

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